![]() |
![]() |
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les tablettes cunéiformes de l’Institut Catholique de Paris
La collection des tablettes cunéiformes conservée à l’Institut Catholique de Paris (ICP) est originellement composée d’un lot de 472 tablettes ayant jadis appartenu aux abbés Léon Legrain et Charles-François Jean, et vraisemblablement acquis en 1957 en même temps qu’entrait à l’ICP la bibliothèque personnelle de Ch.-F. Jean. Cette collection est connue à l’ICP sous le nom de «fonds Legrain-Jean». Elle s’est récemment (automne 2001) augmentée de quelque 250 autres tablettes cunéiformes ayant également appartenu à l’origine à Ch.-F. Jean et mises en dépôt à l’ICP par les Lazaristes (Congrégation de la Mission, rue de Sèvres), ordre auquel appartenait l’abbé Jean. À ce jour, aucun catalogue ni inventaire définitifs n’ont encore été réalisés sur ce lot supplémentaire, qui semble notamment correspondre à une partie des tablettes publiées par leur propriétaire en 1922-1923 dans deux publications[1]. Charles-François Jean (1874-1955), élève du Père Vincent Scheil (École des Hautes Études), a été professeur d’hébreu, puis d’épigraphie sémitique à l’École du Louvre. Il est l’auteur de nombreux ouvrages d’assyriologie et d’études sur les mondes biblique, ouest-sémitique et mésopotamien[2]. Les informations manquent sur les conditions dans lequelles ces 472 documents initiaux (pour l’heure, c’est uniquement à eux qu’il est fait référence ici) sont entrés à l’ICP. Mais il appert, à leur examen et en consultant la bibliographie assyriologique depuis un siècle[3], qu’ils avaient jadis appartenu ou avaient été confiés à plusieurs collectionneurs privés: l’abbé Léon Legrain (pour les tablettes inventoriées ICP n° 1 à 409), le Dr. Georges Contenau (pour les tablettes désormais inventoriées ICP n° 410 à 447, et 457 à 464), le colonel François-Maurice Allotte de la Fuÿe (pour les tablettes désormais inventoriées ICP n° 448 et 449), le Père Vincent Scheil (pour la tablette désormais inventoriée ICP n° 456) et l’abbé Jean lui-même (pour les tablettes désormais inventoriées ICP n° 450 à 455, et 465 à 472). Cette collection du fonds Legrain-Jean regroupait donc en fait à l’origine plusieurs lots distincts. 1. La partie «Legrain» du fonds Legrain-Jean Le plus important de ces lots regroupe 409 tablettes cunéiformes (inv. ICP n° 1 à 409) achetées en Égypte par Léon Legrain en 1911[4]. Assyriologue français né en 1878, L. Legrain avait obtenu son diplôme de l’École des Hautes Études, en préparant sous la direction du Père V. Scheil l’edition de ces tablettes qu’il avait acquises. Il publia les résultats de son travail sous forme d’un catalogue commenté et d’autographies, dans 2 volumes parus en 1912 sous le titre: Le Temps des Rois d’Ur. Recherches sur la société antique d’après des textes nouveaux (Bibliothèque de l’École des Hautes Études, fasc. 199, Paris: H. Champion, 2 vol. in-8°). Enseignant l’assyro-babylonien à l’Institut Catholique de Paris jusqu’à la fin de la 1ère guerre mondiale, L. Legrain partit en 1921 pour les États-Unis afin d’occuper les fonctions de conservateur de la section babylonienne du Musée de l’Université de Philadelphie, ville dans laquelle il demeura jusqu’à sa mort en 1963[5]. On ne sait dans quelles conditions exactes ces tablettes ont fini par se trouver mêlées à celles du fonds Jean avant d’être acquises par l’Institut Catholique. Ces tablettes du fonds Legrain sont datées du XXIe siècle avant J.-C., du temps des rois de la IIIe dynastie d’Ur (Ur III). Elles proviennent presque toutes des fouilles clandestines effectuées sur le site de Drehem, l’ancienne Puzrish-Dagan en Iraq du sud. Leur contenu est essentiellement de nature administrative et comptable. Rédigées en langue sumérienne, elles enregistrent pour la plupart des entrées ou sorties de bétail pour le compte du pouvoir royal, comptabilité tenue par les scribes de l’administration en poste à Drehem. 2. La partie «Jean» du fonds Legrain-Jean Le reste du fonds Legrain-Jean est constitué de 63 tablettes cunéiformes (inv. ICP n° 410 à 472). Aucune information précise n’a pu être trouvée relative à l’histoire récente des documents de ce lot, qui n’avaient jusqu’à présent fait l’objet d’aucun inventaire particulier. C’est à l’occasion d’un travail réalisé en juin 2002 dans le cadre du projet CDLI, en accord et sous le contrôle de M. Martin Morard, conservateur des fonds anciens de la bibliothèque de l’ICP (bibliothèque de Fels), qu’un classement a été effectué et qu’un numéro d’inventaire a été attribué à chacun de ces documents, à la suite des numéros assignés aux tablettes «Legrain». L’examen de ces 63 tablettes et l’étude de la bibliographie permettent néanmoins de constater que cette partie de la collection autrefois réunie par Ch.-F. Jean est en réalité constituée d’un ensemble disparate de tablettes ayant originellement appartenu ou ayant été confiées à un moment donné: au Dr. Georges Contenau, qui fut, entre les deux guerres mondiales, conservateur au Département des Antiquités orientales du Musée du Louvre: → 38 de ces tablettes (inv. ICP n° 410 à 447) ont en effet été publiées par G. Contenau dans son ouvrage Umma sous la Dynastie d’Ur, Paris, P. Geuthner, 1916. Cet auteur y annonce qu’il s’agit de documents faisant partie de sa collection privée. Ces tablettes, achetées sur le marché des antiquités, datent de l’époque de la IIIe dynastie d’Ur et proviennent du site d’Umma; → 8 tablettes d’Ur III de même origine (ICP n° 457 à 464), qui ont été publiées par le même auteur dans 2 livraisons de la Revue d’Assyriologie en 1915[6]; au colonel François-Maurice Allotte de la Fuye, assyriologue du début du XXe siècle (inv. ICP n° 448 et 449). Ces 2 documents sont reconnaissables au fait qu’ils portent encore une référence manuscrite très caractéristique avec la mention «AF». Cette ancienne collection Allotte de la Fuye, bien connue par ailleurs, a été très largement dispersée à la fin des années 1950 et au début des années 1960, une bonne partie de ces tablettes ayant été acquise par le Cabinet d’Assyriologie du Collège de France en 1964[7]. Pour l’instant inédits, ces deux textes d’Ur III feront prochainement l’objet d’une publication. au Père Vincent Scheil: il s’agit d’une tablette d’époque néo-babylonienne, datée de l’an 4 du règne de Nabuchodonosor (VIe siècle avant J.-C.; ICP n° 456) et publiée par lui dans la Revue d’Assyriologie 14, 1917, p. 154-156 («Notule XXXIII»). Rappelons que le Père Scheil, Directeur d’études à l’École des Hautes Études, avait été le professeur et le mentor à la fois de Legrain, de Contenau et de Jean. au Père Charles-François Jean lui-même (inv. n° ICP 450 à 455 et 465 à 472). On distingue dans ce lot les documents suivants: → 4 tablettes d’Ur III (ICP n° 450 à 453) qui ont été publiées par leur propriétaire dans son livre Sumer et Akkad, Contribution à l’histoire de la civilisation dans la Basse-Mésopotamie, Paris, P. Geuthner, 1923; → 2 tablettes d’époque paléo-babylonienne (XVIIIe siècle avant J.-C.; ICP n° 454 et 455), provenant de Larsa et publiées par Jean dans ce même livre Sumer et Akkad; → 7 tablettes d’Ur III (ICP n° 465 à 471) qui feront prochainement l’objet d’une publication; → 1 faux, réalisé à l’époque contemporaine (ICP n° 472). En ce qui concerne les 63 tablettes cunéiformes de cette partie de la collection, on constate au total qu’elles datent pour la plupart (à 3 exceptions près) de l’époque d’Ur III, comme celles de l’ex-collection Legrain. Leur contenu est, lui aussi, essentiellement de nature administrative et comptable, mais elles proviennent quant à elles presque toutes du site de Djokha, l’ancienne Umma sumérienne. L’ensemble de ces 472 tablettes a été intégralement collationné et scanné en juin 2002 (travail de J. Dahl et B. Lafont) pour en obtenir des images numérisées dans le cadre du projet CDLI, à la suite de l’accord signé le 22 mai 2002 entre l’Institut Catholique de Paris et le Projet CDLI. Table de concordance 1) L. Legrain, Le Temps des Rois d’Ur (409 tablettes) Le numéro de la publication Legrain correspond au numéro d’inventaire (Legrain TRU 1 = ICP 1, etc.). Pour ces tablettes, voir aussi B. Lafont, ASJ 7, 1985, p. 165-188. 2) G. Contenau, Umma sous la Dynastie d’Ur (38 tablettes)
3) Ch.-F. Jean, Sumer et Akkad (7 tablettes)
4) G. Contenau, Revue d’Assyriologie 12, 1915 (8 tablettes)
5) V. Scheil, Revue d’Assyriologie 14, 1917 (1 tablette) RA 14, 154-156, XXXIII = ICP 456
Bertrand Lafont
[1] Ch.-F. Jean, «L’Elam sous la dynastie d’Ur», Revue d’Assyriologie 19, 1922, p. 1-44; et Sumer et Akkad. Contribution à l’histoire de la civilisation dans la Basse-Mésopotamie, Paris, P. Geuthner, 1923. [2] Cf. notices nécrologiques dans la Revue d’Assyriologie 50, 1956, p. 34-35, et dans Syria 32, 1955, p. 395-397. [3] La plupart de ces tablettes ont déjà été publiées, le plus souvent sous forme d’autographies. La bibliographie relative à chacune d’entre elles est donnée ci-après ainsi que dans le catalogue-inventaire réalisé sous forme de base de données électronique dans le cadre du présent travail et déposé à l’ICP. [4] Sur les conditions d’acquisition de ces documents, voir L. Legrain, Le Temps des Rois d’Ur, Paris, 1912, p. 1-3. [5] Voir Reallexikon der Assyriologie 6, Berlin, W. de Grüyter, 1980-1983, p. 543. [6] G. Contenau, «Tablettes de comptabilité relatives à l’industrie du cuivre à Umma au XXIIIe siècle», Revue d’Assyriologie 12, 1915, p. 15-27; et «Tablettes de comptabilité relatives à l’industrie du vêtement à Umma au XXIIIe siècle», Revue d’Assyriologie 12, 1915, p. 147-157. [7] J.-P. Grégoire, Archives Administratives Sumériennes, Paris, P. Geuthner, 1970, p. IX n. ii. |